Quand je dévore le très primé La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert de Joël Dicker !

harry quebert

Terrassé par la terrible maladie de la page blanche, l’écrivain à succès Marcus Goldman décide de rendre visite à son vieux maître de littérature, le respecté Harry Quebert, auteur d’une roman figurant dans les meilleures œuvres de l’époque. Après quelques semaines passées dans l’oisiveté, Marcus finit par rentrer à New York pour avouer à son éditeur qu’il n’a pas pu écrire une seule ligne depuis deux ans … C’est alors que le scandale éclate : un squelette est retrouvé dans le jardin de Quebert, celui d’une jeune fille disparue plus de trente ans auparavant, l’été où l’écrivain a rédigé son chef d’oeuvre, réfugié dans la tranquille ville d’Aurora … Rapidement Marcus va tenter de démêler l’imbriglio et se retrouve pris au cœur d’une tourmente venue des années 1970, et à la conclusion d’une splendide histoire d’amour …

J’avoue avoir été dubitative lors de l’annonce des prix littéraires 2012 : j’ai lu un certain nombre d’échos négatifs sur ce gros texte et je me souviens m’être demandé pourquoi les Lycéens, dont j’aime beaucoup les choix en principe, avaient été séduit par un roman soit-disant mal écrit … Quand le même roman a reçu le Grand Prix de l’Académie française, mon esprit très français a fait un refus et je l’ai classé dans la catégorie des textes qui tomberont dans l’oubli d’ici quelques mois, et dont un obscur chercheur se demandera dans deux cent ans pourquoi il a eu tant de prix (comme je le fais parfois lorsque j’examine la liste des Prix Goncourt ou autre …).

Pourtant, quand il m’est tombé entre les mains à la bibliothèque la semaine dernière, je n’ai pu m’empêcher de sauter sur l’occasion – toujours cet esprit de contradiction très français ! -, avec la volonté de me faire une idée définitive de ce roman dont on a tant parlé. Commencé un matin, je n’ai pu le lâcher jusqu’au soir. Un véritable page-turner, voilà ce qu’est ce roman ! celui que l’on prend et qui doit contenir je ne sais quoi dans ses pages, pour nous y rendre accroc (ils doivent utiliser la même stratégie que MacDo …).

« Un bon livre, Marcus, est un livre que l’on regrette d’avoir terminé » … C’est souvent vrai pour des textes qui nous ont accroché, qui nous ont porté sur des centaines de pages. Certes j’ai regretté de refermer ce texte, mais finalement ce regret est vite passé … je m’explique.

La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est simplement un bon roman. On ne s’en souviendra pas forcément dans deux cent ans, ni même dans dix ans, mais ce n’est pas non plus de la chick-lit. Pour moi, il s’agit d’un bon représentant de ce que la littérature contemporaine peut faire de mieux : une intrigue qui tient la route, des rebondissements qui tiennent en haleine, des personnages attachants, un style simple et nécessitant peu de descriptions … Des ingrédients classiques mais auquel l’auteur a su impulser une nouvelle dynamique et un charme certain, en particulier grâce aux réflexions sur la littérature et l’écriture qui émaillent le texte.

« Être écrivain, c’est être vivant. Le jour où écrire donnera un sens à votre vie, vous serez un grand écrivain. »

Car au-delà d’un roman d’amour et d’un faux thriller (qui m’a fortement rappelé Millenium et un brin de la série Cold Case), Dicker en profite pour dresser en passant un portrait sans concession de la société actuelle, une société qui consomme la littérature comme un bien jetable, la preuve en est de Marcus, adulé pendant un an puis oublié …

« Je compris que la gloire est éphémère […] il ne s’était pourtant écoulé que douze mois depuis mon livre : un laps de temps ridiculement court à mes yeux mais qui, à l’échelle de l’humanité, correspondait à une éternité. »

Une société où l’on ne laisse plus le temps aux écrivains (à part ceux que le grand public ne connaît pas), parce que le temps d’écrire est contraire à sa logique de rentabilité : « Ce sont les méthodes modernes pour faire du chiffre ! Les écrivains qui rêvassent et attendent que la neige tombe en quête d’inspiration, c’est fini ! ». Il faut produire des textes rapidement, sans forcément de réflexion derrière. De toute façon, même s’il est bon, il est oublié l’année suivante …

Un texte qui s’est fait directement l’écho à Un écrivain un vrai, ce qui m’a un peu donné l’impression de lire du réchauffé (mais comme les deux textes sont parus en 2012, on ne peut les accuser de plagiat, cela montre simplement que c’est une question qui préoccupe tous ceux qui se targuent d’être écrivain dans une société où l’on encense la chick lit et les textes simples et où  le « j’aime » et le « je partage » dominent le monde à la place du « je réfléchis« )

En bref, c’est un roman peu atypique mais qui, sous ses airs de thrillers, abrite une véritable réflexion sur la littérature, la justice, la société moderne et sur les médias.

Maintenant Monsieur Dicker, il va falloir montrer que vous êtes capable d’écrire un deuxième roman … et meilleur !

« Écrivez parce que c’est le seul moyen pour vous de faire de cette minuscule chose insignifiante qu’on appelle vie une expérience valable et gratifiante. »

24 commentaires

  1. tu t’es surpassée dans ce billet ! j’aime beaucoup ta phrase : « dans une société où l’on encense la chick lit et les textes simples et où le « j’aime » et le « je partage » dominent le monde à la place du « je réfléchis« « . Je le lirai aussi, pour me faire à mon tour ma propre idée.

  2. Effectivement, je ne sais pas si ce livre méritait de si jolis prix, mais ce qu’on peut dire, c’est que ce roman se dévore tant il est efficace…
    J’ai beaucoup aimé, vraiment…

  3. Apparemment j’ai lu qu’ il en a écrit 5 ou 6 autres avant celui-ci. C’est peut-être aussi parce que je n’ai pas du tout trouvé les personnages attachants comme toi que je me suis très vite ennuyée…Et puis moi justement je l’ai trouvé vraiment simple ce livre (mais c’est clair que je ne le comparerais avec de la chick litt, ça n’a rien à voir, juste un polar de plage)

    1. MHhh mauvaise bibliothécaire, je n’ai pas vérifié que ce n’était pas son premier roman bon …
      Certes ce n’est pas de la chick lit suis bien d’accord, pas de la littérature non plus. Un entre deux ;..

  4. Tout à fait d’accord avec cette critique, un très bon roman que l’on dévore en quelques heures. Pas plus peut-être mais surtout pas moins et c’est déjà pas mal me semble t-il 🙂

  5. Il va falloir que je le lise aussi pour me faire une opinion avec tous ces avis contradictoires…
    (et c’est quoi Chick-lit, bit-lit etc parce que j’y connais rien à tous ces termes, merci 😀 )
    (J’ai mis que j’aime ton article hein désolée, mais j’ai lu d’abord 😉 )
    Bonne journée 😀

    1. Oui il faut le lire pour se fixer …

      Chick lit c’est un peu de la littérature à jeter, de la littérature de filles, ou de plage …

      Bit lit c’est la vague Twilight (bit = mordre en anglais), et les dizaines de séries de vampires qui l’ont suivi …. 🙂

      A bientôt !

  6. j’ai gagné le livre en version audiolib grâce à un concours chez Audouchoc (théoma), donc je via savoir cette approche originale pour un livre qui me tentait peu comme toi par les mauvaises critiques, dont celle du Monde des livres, alors je vais bientôt en savoir plus… pour donner mon impression

  7. j’ai beaucoup, beaucoup aimé ce livre, je vais d’ailleurs l’offrir à ma nièce pour Pâques. j’ai été prise tout au long de l’histoire très riche en rebondissements; Une découverte à chaque page. très belle lecture

  8. J’ose pas trop parler, moi qui écrit aussi des trucs « chick-list », à lecture rapide et à coups de tweets ou de pages facebook pour la promo ! (… mais à un niveau bien plus modeste.)

    Tu me fais prendre conscience de ce phénomène que je n’avais pas remarqué. Une « littérature » qui va de plus en plus vite… comme tout le reste ! 🙂

    1. C’est justement à vous écrivains de vous battre contre la pression … prenez votre temps pour écrire, pour réflechir, sortez de cet engrenage de la rapidité (même si bon, il faut bien vivre hein !).

      C’est pas contre la promo Facebook ou Twitter que j’en ai, c’est le modèle qu’ils sous-tendent qui est à dénoncer, car c’est simplement que souvent les avis de gens se limitent à un « J’aime », sans réflexion derrière, et c’est dommage …

      Mais il faut de tout pour faire un monde !

      1. Justement, je vois mal comment en sortir et en vivre en même temps. 🙂

        J’ai déjà la chance de pouvoir gagner ma vie comme ça (en auto-édition sur Kindle) donc je ne vais pas bouder mon plaisir. C’est certain que c’est du fastbook (l’équivalent du fastfood ?) mais je n’ambitionne pas non plus d’être un auteur « reconnu », dans le sens « encensé par la critique parisienne » (sauf toi !)… tant que je m’amuse à écrire et que ça en distrait d’autres… 😉

        1. C’est clair que c’est le problème des auteurs aujourd’hui … soit on peut en vivre et du coup c’est qu’on fait de la littérature rapide qui se vendra vite et bien. Soit on veut prendre son temps, faire du bon boulot et ambitionner d’être apprécié aujourd’hui et plus tard. Là, soit il faut être rentier, soit il faut bosser à côté …

          Pas de souci si vous assumez écrire de la chick lit (même si les nouvelles que j’ai lu de vous ne me donnez pas cette impression), ce qui m’énerve ce sont ces auteurs qui n’assument pas, écrivent 3 bouquins par an, vendent des millions et tirent de la fierté en s’affirmant comme des écrivains, à égalité avec les grands du XIX et XXe … Ceux-là, ce sont les pires …

  9. certes ce n’est aps le roman de la décennie ni une pépite de la littérature, mais il a le mérite de tenir en haleine, de proposer de multiples rebondissements, j’ai lu ce roman avec beaucoup de plaisir, remarquant les quelques clichés, plus ou moins lourds, mais reconnaissant dans ce roman des qualités indéniables…à l’heure de la littérature rapide 😉

  10. j’ai beaucoup aimé ce livre que j’ai dévoré!
    Je le voyais bien adapté en film aussi!
    Dicker va être dans la même situation que son personnage : après un tel succès le monde littéraire aura des attentes énormes vis à vis de son prochain roman!

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