Un peu de magie et de rêve avec Alice’s Adventures in Wonderland (1865) de Lewis Caroll

« Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? « 

L’auteur (1832-1898)

Charles Dodgson passe son enfance dans le Yorkshire, entouré de ses frères et sœurs pour lesquels il aime créer des spectacles de marionnettes. Diplômé de mathématiques en 1854, il devient professeur à Oxford, au collègue Christ Church, en 1857. Au même moment, l’église anglicane l’ordonne diacre, et il s’engage à rester célibataire. Ses premières publications sont des ouvrages de mathématiques, mais très vite il écrit des nouvelles et des poèmes pour la revue The Train, en choisissant le pseudonyme de Lewis Carroll.

Alice au pays des merveilles est publié en 1865, et est inspiré par une Alice bien réelle, fille du doyen du collège où Dodgson enseigne. La toute première version est racontée aux trois fillettes Liddell lors d’un voyage en barque. Alice, fascinée, insiste pour que Dodgson en fasse un livre. L’histoire, surréaliste et farfelue, joue en permanence avec la logique et connaît instantanément le succès, tout comme De l’autre côté du miroir, en 1872 et la Chasse au Snark en 1876.

Parallèlement, Dodgson découvre la photographie en 1856. Ses sujets préférés sont là encore des petites filles, qu’il aime déguiser avant d’en faire le portrait, mais il photographie également des connaissances : peintres, écrivains, scientifiques ainsi que des paysages, statues et même des squelettes, par curiosité anatomique. Il met un terme brutal à cette passion en 1881, et quitte au même moment l’enseignement.

Il meurt à 66 ans des suites d’une pneumonie, dans sa famille, après avoir encore publié Sylvie et Bruno, roman en deux volumes et au succès nettement plus confidentiel.

Source : Babelio

Le livre

Alice s’ennuie dans le jardin pendant que sa sœur lit.

« What is the use of a book, thought Alice, without pictures or conversations ? »

Mais elle voit soudain surgir un lapin blanc qui parle et le suit dans le creux d’un arbre. Commence alors une chute vertigineuse, et la découverte d’un monde délirant …

Ce que j’en ai pensé

Ce fut un réel plaisir que de me replonger dans ce conte merveilleux dont je n’avais que de vagues réminiscences d’enfance. Le redécouvrir en anglais fut très instructif pour plusieurs raisons : le plaisir de lire en version originale, tout d’abord, et surtout de se rendre compte que le monde magique d’Alice et ses créatures fantastiques ont des noms bien plus savoureux en anglais que dans la traduction française ! (j’étais cependant bien contente d’avoir le texte français à côté ..). En particulier parce que la langue de Lewis Caroll est farcie de calembours et de jeux de mots pour la plupart difficilement traduisibles d’une manière correcte et exacte. Or cette langue est ce qui fait toute la richesse du texte.

J’ai trouvé qu’il y avait ainsi une opposition entre le délire excessif, voire cauchemardesque, de ce monde, et le rationalisme dont fait sans arrêt preuve Alice. Mais elle va vite comprendre que la logique du Pays des Merveilles est … particulière !

« But I don’t want to go among mad peoples,  » Alice remarked

« Oh you can’t help that, said the Cat : « we are all mad here. I am mad. You’re mad. »

« How do you know I am mad ? » said Alice

« You must be, said the Cat, or you wouldn’t have come here. »

Bref, tout le monde est fou, et Alice en premier !

En même temps, ce texte touche à des problématiques plus profondes, par exemple les questionnements d’Alice sur son identité, quand elle n’arrête pas de grandir ou de rapetisser.

« Est-ce que, par hasard, on m’aurait changée au cours de la nuit ? Réfléchissons : étais-je identique à moi-même lorsque je me suis levée ce matin ? Je crois bien me rappeler m’être sentie un peu différente de l’Alice d’hier. Mais, si je ne suis pas la même, il faut se demander alors qui je peux bien être ? Ah, c’est là le grand problème ! »

Des problématiques qui peuvent aussi bien toucher les enfants que les adultes découvrant ou redécouvrant ce texte. De même, Alice qui cherche la direction qu’elle doit prendre.

– « Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois m’en aller d’ici ?
– Cela dépend beaucoup de l’endroit où tu veux aller.
– Peu importe l’endroit…
– En ce cas, peu importe la route que tu prendras.
– … pourvu que j’arrive quelque part », ajouta Alice en guise d’explication.
– Oh, tu ne manqueras pas d’arriver quelque part, si tu marches assez longtemps. »

En ce sens, le Chat du Cheshire joue le rôle de mentor, en répondant aux questions d’Alice par énigmes, mais surtout en les élargissant à chaque fois à des questions plus vastes, ce qui donne une dimension plus réflexive et plus philosophique au roman de Caroll.

Avec un humour extraordinaire, à la fois dans le texte et à propos de son texte (car le narrateur se moque régulièrement d’Alice qui se prend trop au sérieux, ou qui est engoncée dans l’éducation traditionnelle des petits Anglais de l’époque…), et faisant preuve d’une vivacité d’esprit et d’une maîtrise du langage ahurissante, Lewis Caroll nous a bien transmis un pur chef d’œuvre, universel.

Enfin, pour conclure, j’avoue que j’ai particulièrement apprécié ma version annotée du texte, qui expliquait un certain nombre de jeux de mots, ou remettait dans le contexte certaines déclarations et certains faits de l’histoire. Un texte donc très enrichi qui m’a permis de goûter pleinement et la langue, et l’histoire.

« […] et la morale de ceci, c’est : Soyez ce que vous voudriez avoir l’air d’être ; ou, pour parler plus simplement : Ne vous imaginez pas être différente de ce qu’il eût pu sembler à autrui que vous fussiez ou eussiez pu être en restant identique à ce que vous fûtes sans jamais paraître autre que vous n’étiez avant d’être devenue ce que vous êtes. »

***

6/12 !

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