Les romans non chroniqués en mai …

Le saut du requin / Romain Monnery (2013)

monnery

« Vous savez ce qu’elle m’a demandé l’autre soir ?

  • Non

  • Elle m’a demandé si je l’aimais

  • […]

  • Alors là, mon vieux, c’est le saut du requin … »

Le saut du requin, comme le précise utilement la note de bas de page, « désigne ce moment fatidique où une série télé bascule dans le « n’importe quoi. »

Et ici, c’est le moment où la relation entre Ziggy et Méline, qui se traîne déjà depuis un an, va basculer. Non pas qu’elle ait été positive ou enrichissante à un instant donné :

Ziggy est un gros beauf, branleur, coquille vide qui se veut intellectuel mais n’est pas capable d’aligner deux idées, qui se croit écrivain alors qu’il ne sait que rédiger des articles de blog pourris que personne ne lit. Mais le saut du requin c’est la prise de conscience par Méline que justement Ziggy n’est que ça, et qu’en plus, il n’a aucun sentiment pour elle, préférant passer ses week-ends devant les jeux vidéos avec ses copains. Le type même de l’adolescent attardé, chômeur, bouche inutile et homme déplorable. Celui qu’on aurait tous largué dès le premier rendez-vous. Mais voilà, notre pauvre Méline n’a pas confiance en elle et pense d’ailleurs qu’elle n’est pas à la hauteur de son amour … (où peut nous conduire notre aveuglement franchement …).

Avec humour, Romain Monnery nous a écrit une petite comédie plaisante qui dynamite les rapports de couple dans notre société, qu’il décrit comme une sorte de CDD dont on négocie les termes, les indemnités …

Avec finesse, il analyse le renversement de situation entre les deux personnages : du moment où Méline le quitte, Ziggy cesse de se battre, il devient simplement un amoureux transi fatiguant. « Qui ne l’intéressait pas plus qu’un tapis de sol. »

Sur fonds de modernité – blogs, forums, Facebook, tous les moyens de communication sont utilisés ! – et de musique populaire, le roman s’intéresse donc à ce qui fait le ressort d’un couple moderne, entre coucheries, consensus et amour.

A lire d’urgence si vous vous posez des questions ou que vous faites une déprime !

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Typos /Pierdomecino Baccalario (2014)

typos

Dans une société futuriste, l’information est soigneusement contrôlée par un groupe commercial super-puissant. Un peu à la manière du Big Brother de 1984, il sait tout et manipule les faits au profit des pouvoirs en place.

Contre cette dictature s’élève petit à petit des résistances : contre la dictature du numérique, le groupe Typos revient aux sources de l’écriture, en utilisant le bon vieux papier pour communiquer et appeler à la rébellion …

Constitué de jeunes gens déterminés, Typos est prêt à mettre leur vie en danger pour révéler un scandale humanitaire au monde entier.

Petit roman sympathique, Typos plaira aux adolescents (dès 11/12 ans), car il inaugure une trilogie prometteuse avec de l’action, de la réflexion, des héros ordinaires un peu extraordinaires. Et puis il permet une lecture rapide et addictive qui peut répondre à un besoin de distraction « express ».

Seul regret donc justement : un survol de ce monde, que l’on ne voit qu’à travers les yeux des jeunes héros, et auquel il manque une véritable analyse. Cependant, j’espère en savoir plus dans les tomes suivants …

Un texte de belle qualité par un des plus célèbres auteurs italiens de littérature jeunesse. Le deuxième tome est prévu pour octobre.

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Tout à l’ego / Tonino Benacquista (1999)

tout à l'ego
Vous le savez peut-être à force, Tonino Benacquista est un de mes écrivains préférés : j’aime son humour noir et grinçant, son sens de la formule – des répliques très cinéma -, ses histoires bien construites et menées tambour battant. J’ai récemment lu son dernier recueil de nouvelles, Nos gloires secrètes, qui contient quelques petits bijoux d’écriture.
Moi qui n’aime habituellement pas les nouvelles, j’ai donc décidé de récidiver, mise en confiance par cette première expérience. La boîte noire – récemment republié sous le titre Tout à l’ego – est son recueil de nouvelles le plus célèbre.

On y retrouve la nouvelle homonyme, où après un accident le personnage est plongé dans un coma alors que son inconscient est débridé et le fait parler pendant 10h d’affilée. Par chance une infirmière se trouvait dans les parages et note scrupuleusement la logorrhée de son patient. Au réveil, ce dernier va se servir de ces révélations pour régler quelques problèmes dont il n’avait plus le souvenir …

« Vous êtes allés jusqu’au bout de vous-même, vous avez brassé 35 ans de morale, d’interdits et de souvenirs. Vous les avez dépoussiérés, défroissés, déchiffrés et organisés dans un ordre connu de vous seul. »
Une nouvelle qui fait réfléchir sur tout ce que l’on peut refouler dans une vie, et sur le fonctionnement de notre cerveau, qui préfère occulter certaines choses.

Dans ce recueil, on trouve aussi des syndicalistes fous (« La pétition »), un suspect qui tente désespérément de se rappeler ce qu’il a pu faire le 17 juillet 1994 entre 22 et 23h, heure où s’est commis un crime terrible dont il est totalement innocent (a-t-on déjà pensé à tous les instants qu’on a oublié et pour lesquels on a aucun alibi ?) ; un bon père de famille pris en flagrant délit de visionnage de films équivoques ; une histoire digne d’un film américain, histoire d’amour et d’espionnage ; une volière mystérieuse, etc.

En quelques pages, Benacquista excelle à nous créer un monde complet, où les personnages sont de suite vivants et nous entraînent dans leurs folles aventures – ou dans leurs têtes.

Des nouvelles à découvrir assurément, à lire et à relire.

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