Ce recueil de Stefan Zweig rassemble trois nouvelles qui ne sont pas regroupées dans un ensemble cohérent pour rien. Dans ces trois textes il est descendu « dans les caveaux, dans les cavernes profondes et dans les cloaques du cœur où s’agitent, en lançant des lueurs phosphorescentes, les bêtes dangereuses et véritables de la passion, s’accouplant et se déchirant dans l’ombre, sous toutes les formes de l’entremêlement le plus fantastique« . Bref, il a mis en scène la passion, sous trois de ses manifestations, de deux hommes et d’une femme, envers une tierce personne indifférente.
Dans Amok, c’est celle d’un médecin pour une femme qui lui demande de l’aide, ce qu’il refuse. Dans Lettre d’une inconnue, c’est la passion terrible d’une femme durant vingt ans pour un homme qui l’oublie à chaque fois. Dans la Ruelle au clair de lune, c’est celle d’un homme avare envers sa femme, qui rompra leur harmonie et la forcera à le détester.
Dans les trois cas, l’auteur utilise le principe du récit-cadre, les principaux intervenants racontant eux-même leur histoire à un inconnu au hasard d’une rencontre. Un mode narratif qui permet de laisser transpirer les émotions fortes et d’avoir un recul sur des événements récents.
Stefan Zweig met encore une fois en scène, par sa plume alerte et précise, les sentiments complexes qui agitent l’homme et expliquent – ou pas – son comportement.
Amok est intéressant par son titre qui explique en partie l’histoire : l’amok, en Malaisie, « c’est plus que de l’ivresse .. c’est de la folie, une sorte de rage humaine, une crise de monomanie meurtrière et insensée, à laquelle aucune intoxication alcoolique ne peut se comparer. » On pourrait en dire autant de l’amour, de la passion qui prend effet sur un médecin de brousse, qui après des années d’exil dans la brousse, voit débarquer une femme désespérée. Une femme magnifique, mais qui va lui demander une action terrible, l’interrogeant sur son devoir en tant que médecin et homme …« le devoir s’arrête quelque part … là où l’on a plus le pouvoir de l’accomplir, précisément là … «
La dernière nouvelle est sympathique mais ne m’a pas transcendée même si l’histoire de l’avare et de sa femme qui le déteste, et les descriptions physiques de ces deux personnages hauts en couleur, valent à elles seules le détour.
Mais je voudrais surtout vous parler de la nouvelle du centre du recueil : Lettre d’une inconnue. Un romancier célèbre reçoit un jour une épaisse enveloppe de la main d’une femme inconnue. Intrigué, il commence sa lecture … et découvre qu’il a été aimé en secret pendant 20 ans, par une femme admirable, prête à tous les sacrifices et à toutes les souffrances pour l’amour passionnel, unique et dévastateur pour un homme qui est léger, oublieux et coureur de jupons.
« Tu ne me reconnus pas, ni alors, ni jamais : jamais tu ne m’as reconnue. »
Sur trente pages, elle déroule son histoire terrible, une histoire qui m’a tirée des larmes, non pas seulement par le pathos qui s’en dégage mais par le fait que cette femme devrait le détester pour avoir fait son malheur, alors qu’elle continue à l’aimer plus que tout au monde …
C’est un texte absolument magnifique, à lire et à relire, que je vous conseille sans détour, aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Une histoire intemporelle, menée d’une main de maître. Un même sujet écrit par une femme aurait eu moins d’impact il me semble, alors qu’ici il fonctionne parfaitement, alliant poésie et tragédie.
Eh bien en ce moment je vois de plus en plus de chouettes nouvelles à lire, et celles-ci en font partie ! Merci !
J’ai du mal parfois avec les nouvelles, mais le format de la lettre se prête très bien à ce genre ! ça en fait un petit bijou …
Lettre d’une inconnue est vraiment sublime, tu me donnes envie de le relire !
je sens que je vais le relire bientôt aussi …. un très beau texte
J’adore le style de Zweig et la description des sentiments si forte chez lui. « La lettre d’une inconnue » et « Amok » sont déjà dans ma wish-list !
Ces trois textes m’ont fait beaucoup d’effet, chacun à leur manière, et un peu de la même façon que toi… Le plus beau des trois est pour moi également « Lettre d’une inconnue » qui m’a littéralement bouleversée et qui n’est jamais sorti de mon esprit depuis que je l’ai lu il y a quelques années déjà. Je vais d’ailleurs relire cette nouvelle très prochainement, pour avoir les idées claires pour le billet que je veux faire dessus, et rien que d’y penser, je sens mon coeur s’emballer. Un plaisir plus qu’intense. « Amok » et « La ruelle au clair de lune » ne m’ont pas procuré le même effet et j’ai également une préférence pour « Amok ». Je trouve l’histoire tragique et étonnamment très actuelle, c’est un chef d’oeuvre qui amène à la réflexion et au questionnement tout en nous transportant dans une telle passion qu’elle se détruit d’elle-même…
En tout cas, très beau post !
Je vois qu’on a eu le même ressenti ! C’est intéressant que ces trois nouvelles aient été mises ensemble en tout cas. Amok est impressionnant aussi, et original dans le thème de la passion destructrice. Zweig sait y faire pour nous faire voyager dans l’espace tout en traitant des sentiments universels.
J’avais beaucoup aimé ces nouvelles…surtout Lettres d’une inconnue, que j’avais lu en allemand (d’ailleurs comment va ton allemand?^^). Je suis contente que tu aimes cette nouvelle! Très belle critique, tu m’as donné envie de la relire! (je peux te la passer en allemand d’ailleurs, si tu veux essayer!)
Alors mon allemand, heuuu … toujours au même point qu’il y a deux ans ! J’ai honte car j’aimerais lire Zweig en VO. Je peux commencer par Lettre d’une inconnue, on verra bien ! 🙂
je l’ai lu il y a déjà longtemps, mais tout Zweig est passionnant
Oh oui ! Plus je découvre cet auteur, plus il m’impressionne !
Ohh oui « Lettre d’une inconnue » est ma nouvelle préférée pour le moment, Tellement d’émotions quand la lecture de cette magnifique lettre. Une vraie perle.
J’ai bien aimé les 2 autres textes mais moins intensément …
Tout est dans l’émotion, et puis le fait que ce soit une voix de femme … ça m’a parlé !
Amok ou Le fou de Malaisie… Quelle découverte au collège. Zweig, quelle rencontre !